Expliquer la théorie de l’évolution avec Pokémon, c’est possible ?

 

La théorie de l’évolution, un des piliers de la biologie actuelle, est toujours soumise à de nombreuses remises en question. Beaucoup d’entre elles sont issues d’incompréhensions sur cette théorie. Pourtant, ses fondements sont relativement simples. Si simples, qu’on pourrait les expliquer avec des exemples uniquement tirés de Pokémon ?

 

Challenge accepted !

 

Dans l'article précédent, nous avions abordé la diversité des Pokémons actuels et passés, entre les espèces mais aussi au sein des espèces. Nous allons à présent voir comment cette diversité est au cœur du processus évolutif.

 


#2 C'est l'histoire de la vie : de nouvelles espèces de Pokémons !

Un changement graduel au cours des générations

 

 

L’évolution agit sur ces petites différences : à chaque génération, la population de Pokémons peut changer légèrement en fonction des caractéristiques qui vont être transmises à la génération suivante. L’évolution a donc besoin que ces caractéristiques soient héritables.

 

Et, bingo ! Bien que les Pokémonologistes ne s’accordent pas toujours sur quelles caractéristiques sont héritables et la manière dont elles sont héritées[1], on retrouve le fait que ces valeurs individuelles, natures, et parfois même le caractère chromatique sont transmises des parents aux enfants.

 

 

Chez les Goupix, la mutation chromatique entraîne une pigmentation beaucoup plus claire, couleur sable. Cette mutation est héritable, avec une faible probabilité.


Repartons donc de nos petites différences individuelles, avec l’exemple de Goupix. Goupix est normalement d’une couleur brun-orange assez chaude. Ce camouflage est sûrement efficace en forêt, mais l’est moins dans une région régulièrement enneigée, comme les montagnes. Il arrive que certains Goupix, dits chromatiques, soient d’une couleur plus claire (un jaune pâle). On peut alors imaginer qu’ils pourraient mieux se fondre dans un environnement enneigé que leurs comparses orange. Il serait alors pour eux plus facile d’attraper des proies, mais aussi d’échapper aux dresseurs souhaitant absolument les capturer ! Génération après génération, il y aurait de plus en plus de Goupix clairs dans les montagnes, particulièrement s’ils ne rencontrent pas souvent leurs cousins des plaines chaudes. La sélection naturelle ferait ici son œuvre…

L’adaptation, le hasard et l’apparition de sous-espèces : les formes régionales

 

 

Peut-être me voyez-vous déjà venir ? Avec le temps des petites différences peuvent s’accumuler. Et d’un Goupix plus clair, on pourrait même peut-être arriver à un Goupix complètement blanc, ayant développé de nouvelles capacités pour résister au froid, … Comme le Goupix d’Alola ! Le Goupix s’est complètement adapté à cet environnement différent. On considère encore qu’il s’agit de la même espèce[2], mais les différences entre les deux sont déjà flagrantes. Seul le temps nous dira ce qu’elles deviendront dans les prochains millénaires…

Les Miaouss d'Alola ont vécu dans le luxe pendant de nombreuses années au sein de la famille royale. Si maintenant ils se sont répandus dans l'archipel, ils ont gardé leur attitude vaniteuse. Ce qui a de quoi agacer plus d'un Miaouss continental...

 

 

Et parfois, le simple jeu du hasard peut suffire à faire apparaître des différences entre deux populations de Pokémons. Le Miaouss a été importé en petit nombre sur l’île d’Alola pour être offert à la famille royale il y a plusieurs siècles. Le hasard a sans doute fait que les ancêtres des Miaouss d’Alola étaient plus bleutés, avec peut-être une tendance à avoir une tête plus ronde une fois pokévolués en Persians d’Alola. Et ces caractéristiques sont restées chez leurs descendants, d’autant plus que ceux-ci ne se mélangeaient pas avec leurs homologues du continent (ils sont beaucoup trop rustres, vous imaginez bien !).


Il pourrait s’agir ici d’un exemple frappant d’effet fondateur : les fondateurs de la population (les ancêtres, quoi), n’ont amené avec eux qu’une petite partie de la diversité génétique existant chez les Miaouss du continent, ce qui favorise la fixation de certains caractères (ici poil gris et tête ronde) avec le temps.

 

 

Attention cependant, certaines formes régionales sont également des cas de plasticité phénotypique, par exemple dus à une alimentation différente, comme c’est le cas pour la Tadmorv ou le Noadkoko d’Alola. Ce ne sont pas des espèces (ou des sous-espèces) différentes ! L’évolution n’y est ici pour rien. Prenez un bébé Tadmorv du continent et nourrissez-le comme mangerait un Tadmorv sur Alola et vous obtiendrez… un Tadmorv d’Alola.

 

 

Et inversement, on pourrait imaginer que nourrir un Tadmorv d'Alola avec autre chose que les ordures de la déchetterie pourrait leur permettre de retrouver une apparence plus violette.  Il faudrait tester pour en être sûrs...


Etudier l’histoire évolutive des Pokémons

 

Nous retrouvons donc les notions qui permettent la construction d’une théorie de l’évolution chez les Pokémons. La diversité des individus au sein d’une même espèce de Pokémons peut permettre, en conjuguant le hasard et la sélection naturelle (ou d’autres types de sélection dont nous n’avons pas parlé), de voir apparaître au cours du temps des groupes aux caractéristiques différentes au sein des espèces, que l’on pourrait peut-être même décrire comme des sous-espèces. C’est la spéciation. Et puis, petit à petit, ce processus pourrait continuer, donnant alors naissance à des espèces clairement distinctes de Pokémons.

Si l’évolution a réellement cours dans le monde Pokémon, on pourrait donc essayer de reconstituer l’histoire évolutive des Pokémons. Différents groupes ont travaillé sur le sujet, utilisant diverses techniques pour essayer de résoudre la question. Le très complet Pokemon Tree of life de 2016, classe les Pokémons jusqu’aux versions Soleil/Lune. Il reprend les éléments mythologiques (plaçant ainsi les Pokémons légendaires avant la racine de l’arbre, et donc de la vie[3]), les indications du Pokédex sur la parenté des fossiles avec les Pokémons actuels et utilise les groupes que l’on connait dans notre monde pour classer les Pokémons.

 

Si vous étudiez cet arbre de près, vous pourrez remarquer quelques détails intéressants, notamment le fait que les dresseurs sont des Pokémons comme les autres. Je me demande s'ils ont essayé de les enfermer dans une Pokéball...


Ici, on peut observer que Archeops (la pokévolution d'Arkeapti) se trouve sur une branche assez éloignée de la base de l'arbre regroupant la plupart des Pokémons oiseaux, contrairement à ce qui est annoncé dans le jeu.

La classification la plus intéressante (de mon point de vue de Pokémonologiste en herbe[4]) est sans doute le travail réalisé par Matan Shelomi, Andrew Richards et Ivana Li (des entomologistes américains), supervisés par le célèbre Professeur Chen[5]. En utilisant toutes les caractéristiques à leur disposition (le type, le groupe d’œuf, l’apparence du corps, les capacités et talents) et des méthodes de classifications phylogénétiques actuelles, un autre arbre phylogénétique a pu être obtenu, qui entre parfois en contradiction avec les classifications précédentes. Ici, le facteur déterminant semble d’abord être le type, puis les capacités.  Cet arbre suggère qu'il y aurait eut trois "sortie de l'eau" au cours de l'histoire évolutive des Pokémons, chez les types Glace, Vol et au sein même du groupe des Pokémons Eau.


 

 

 

Le sujet est encore vaste et la biologie des Pokémons est parfois surprenante. Il est parfois difficile de déterminer comment les Pokémons Spectres devraient être classés, d’autant que leur origine est mal connue. Une classe « Monstrum umbra » fut suggérée par le Pokémon Tree of Life, mais l’existence du Corayon fantôme d’Alola pourrait remettre cette hypothèse en cause. Les Pokémons légendaires posent également problème, car leur aspect mythologique rend difficile la comparaison avec les autres Pokémons. Il se peut que les futures versions nous apportent de nouveaux éléments (ou nous rendent encore plus confus !).

 

J’espère en tout cas avoir pu éclairer vos Pokélanternes tout au long de cet essai. Il est maintenant temps de tirer ma révérence.

 



[1] Plus sérieusement, l’héritabilité change en fonction des générations de jeu. Et la reproduction des Pokémons est un sujet bien complexe en soi.

[2] Quand je vous dis que la notion « d’espèce » dans Pokémon est loin d’être claire…

[3] Normalement on ne fait pas ça, quand on fait de la biologie dans le vrai monde de la réalité véritable…

[4] En herbe… de la part d’un Bulbizarre… Haha ^.^’

[5] Le dernier auteur est « Yukinari Okido », ce qui est le nom japonais du Professeur Chen. Il est d’ailleurs affilié au « Oak Pokémon Research Laboratory » de Masara Town, aussi appelée en français… Le Bourg-Palette !

 

Sources :

 

Wikipédia : sur la plasticité phénotypique et sur l’effet fondateur

 

Poképédia : pour la description des différentes formes régionales

 

Pokébip : pour les descriptions du Pokédex

 

Annals of improbable research : A Phylogeny and Evolutionary History of the Pokémon (by Matan Shelomi, Andrew Richards, Ivana Li, Yukinari Okido) en anglais,

et une interview d’un des auteurs, en anglais aussi.

 

Les sprites de Pokémons dans la bulle de l’illustration sont issus de veekun.com, mis à disposition par The Pokemon company.

 

Un petit bonus : Activité en classe sur la sélection naturelle avec des Pokémons en anglais issue du Morton Arboretum (Illinois, USA)

 

Texte: Marie

Illustrations: Nicolas et Marie