Lacs et méga-dunes, un mystère qui perdure

Au Nord-Ouest de la Chine, dans la Mongolie intérieure, s’étend une mer de sable unique. Sur 50 000 kilomètres carrés, au sud du désert de Gobi, d’immenses dunes stationnaires laissent voir entre leurs flancs des lacs. Par immense, il faut comprendre qu’il s’agit là des plus grandes dunes terrestres : en moyenne 200 à 300 mètres de haut, soit grandes comme la Tour Eiffel. Les plus grandes dépassent les 450 mètres de l’Empire State Building et de son antenne. Comment peuvent se former d’aussi grands reliefs de sable ? Mystère… Les hypothèses s’accumulent, mais pour le moment, personne ne semble savoir vraiment.

 

A cette énigme, il faut rajouter celle des lacs. On en dénombre environ 150, mais leur nombre diminue rapidement depuis quelques décennies. En cause, l’activité humaine dans les villes entourant la mer de sable peut-être. Une agriculture intensive, une pression forte sur les nappes phréatiques et sur le réseau hydrographique de surface… Mais c’est peut-être aussi un effet du réchauffement climatique, qui semble être particulièrement visible dans cette région dont la température et l’aridité n’ont fait qu’augmenter ces dernières années. Les précipitations deviennent moins importantes que l’évaporation, et les lacs s’assèchent.

 

Cette mystérieuse association de dunes et de lacs est unique en son genre. Elle possède une forme caractéristique qui se répète. Le flanc de la méga-dune sous le vent (nord-ouest) a une pente faible ponctuée de petites dunes qui la couvre. Derrière la crête une pente raide et lisse à l’abri du vent se termine généralement dans un lac, de 1 à 2 kilomètres de diamètre.

 

Les scientifiques ne sont d’accord ni sur les mécanismes de formation de ce paysage, ni sur son âge. Certains invoquent le climat plus humide d’une époque se terminant il y a 6500 ans, pendant laquelle les lacs auraient pu se former, étant rechargés depuis par les eaux souterraines fossiles accumulées à cette période. D’autres assurent que les précipitations actuelles, associées à l’infiltration des eaux dans les versants des dunes, sont suffisantes pour maintenir à peu près le niveau des lacs. Une partie des chercheurs suggèrent que la rivière Heihe, qui borde le côté Ouest de la mer de sable, apporte par infiltration l’eau nécessaire au maintien des lacs… Pour ce qui est des dunes, pas plus de consensus. Les réponses proposées à l’énigme sont nombreuses : régime des vents dominants, topographie du socle rocheux situé à quelques kilomètres sous la mer de sable, cimentation de la base des dunes par les eaux souterraines…

 

Ce mystère a quelque chose de fascinant : sa complexité oblige les scientifiques à user de méthodes très diverses dans leurs tentatives d’explication du phénomène. C’est la rencontre des sciences de la terre, de la géomorphologie, de l’hydrologie, des images satellites, de la chimie des eaux, de la modélisation météorologique, de la climatologie… Un sujet qui fascine et réunit…

 

Mais pourquoi s’intéresser à ce point à cette énigme. Déjà pour le plaisir de réussir à en donner une explication, la joie de pouvoir raconter l’histoire de cette mer de sable. Et puis, pour les conséquences importantes que pourraient avoir la compréhension de ce système. Comme dit plus haut, cette région semble répondre très rapidement au changement climatique. Comprendre l’interaction entre cycles climatiques passés et formation du paysage permettrait de prévoir l’évolution de ce système et de l’utiliser comme un marqueur sensible du changement climatique induit par l’homme. Ensuite, cette région et son écosystème unique sont fragiles. Une meilleure compréhension devrait permettre de juger des meilleures stratégies de préservation. Savoir par exemple si l’utilisation intensive de l’eau des rivières environnantes influe réellement sur le niveau d’eau des lacs du désert paraît important…

 

Une échelle ? Cette image fait environ 1000 kilomètres de côté. La source des poussières provient des nombreux déserts du nord ouest de la Chine, dont le Badain Jaran.
Une échelle ? Cette image fait environ 1000 kilomètres de côté. La source des poussières provient des nombreux déserts du nord ouest de la Chine, dont le Badain Jaran.

Enfin, cette mer de sable est la principale source de poussière d’Asie et de ce fait influence énormément la fertilité et la productivité des océans, le climat global, mais aussi la qualité de l’air que nous respirons. En témoigne la tempête de sable du 3 Mai de cette année qui a soulevé un immense voile de poussière sur l’Est de la Chine et ses grandes villes, faisant grimper l'index de qualité de l'air bien au-delà de la limite dangereuse en moins de trois heures…

 

L’avenir de cette mer de sable conditionnera peut-être la santé future des villes et des mers de notre planète…

 

 

 

Crédits image : NASA Earth Observatory – 5 Octobre 2014 / 3 Mai 2017.

Pour en savoir plus :

https://earthobservatory.nasa.gov/IOTD/view.php?id=84773

https://earthobservatory.nasa.gov/IOTD/view.php?id=90178

http://www.globalgeopark.org/aboutGGN/list/China/6457.htm

http://www.e3journals.org/cms/articles/1382207150_Zhang%20et%20al..pdf

http://www.conferencenet.org/conference/ICAR8/images/midtrip/Investigation_of_the_sand_sea.pdf

http://www.paper.edu.cn/uploads/hotpaper/2/20111222/N201112-386.pdf

 

À explorer :

https://www.google.fr/maps/@38.5505123,105.1801548,104302m/data=!3m1!1e3

Ulysse P - le 11/05/2017