La guerre vue du ciel

Le 6 Janvier 2016, à 550 kilomètres de Tripoli, le satellite Aqua de la NASA a photographié deux grandes colonnes de fumées noires, poussées par les vents au-dessus de la Méditerranée.

 

Profitant des conflits entre l’Est et l’Ouest de la Libye, qui existent depuis les révolutions de 2011 et 2014, l’Etat Islamique (EI) a attaqué et incendié deux raffineries. En tout, cinq réservoirs de pétrole ont pris feu. Les terminaux pétroliers et raffineries de Sidra et Ras Lanouf, reliés aux grands champs de pétroles dans le désert du Sud-est du pays produisaient 1,5 millions de barils d’or noir en 2010. Cela représentait 65% du produit intérieur brut du pays. 84% de la production était destinée à l’Europe, principalement à l’Italie. On peut comprendre que le contrôle de ce « croissant pétrolier » est un enjeu majeur pour les forces politiques qui s’affrontent pour le pouvoir en Libye. L’EI a quant à lui décidé d’appliquer la politique de la terre brûlée, ne pouvant s’autoriser de contrôler un centre pétrolier côtier de fait de la présence des forces étrangères en mer.

 

Les réserves de pétrole de la Libye la placent au premier rang des pays d’Afrique et au neuvième rang mondial. Mais depuis décembre 2014, la production dans l’Est du pays est quasiment à l’arrêt, avec seulement 200 à 300 milles barils de pétrole par jour. L’Ouest du pays a recommencé sa production très récemment mais celle-ci est faible comparée au potentiel du croissant pétrolier. Pour finir, il n’y a toujours pas d’accord entre l’Est et l’Ouest, entre les révolutionnaires et le gouvernement d’union nationale...

 

Les images satellites ont cette capacité de documenter les catastrophes humanitaires et écologiques. Pendant trois jours, les satellites de la NASA ont pu observer l’évolution de l’incendie des raffineries de Sidra et Ras Lanouf. Ces cinq réservoirs contenaient environ 460 000 barils de pétrole chacun. Qu’est-ce que ce chiffre représente ? Un baril contient 159 litres de pétrole et produit au premier ordre suffisamment d’énergie pour alimenter un réfrigérateur moyen pendant presque 8 mois (pour une utilisation « idéale » de cette énergie, c’est-à-dire si on néglige les pertes). La consommation annuelle française en 2013 a été chiffrée à environ 1,9 milliards de barils de pétrole. Attention, cela ne veut pas dire que la France consomme uniquement du pétrole pour ses besoins énergétiques. La production faite par les autres sources d’énergie a simplement été convertie en équivalent de barils de pétrole. Les incendies des cinq réservoirs libyens correspondent donc à un peu moins d’une demi-journée de consommation française (industrie, transport, électricité, usages domestiques…). Pas grand-chose donc ?

 

Une échelle ? 26 kilomètres séparent les deux incendies.

 

Crédits image : NASA Earth Observatory – 6 Janvier 2016.

Pour en savoir plus :

http://earthobservatory.nasa.gov/IOTD/view.php?id=87285

La situation libyenne :

http://www.voanews.com/a/libyan-oil-tanks-fire-/3133793.html

http://www.lemonde.fr/international/article/2016/01/07/en-libye-l-etat-islamique-a-l-offensive-face-au-vide-du-pouvoir_4843548_3210.html

http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/09/26/en-libye-l-incessante-bataille-du-petrole_5003585_3212.html

Consommation énergétique :

https://www.iea.org/media/training/presentations/escmar2015/Energy_Statistics_in_France.pdf

https://en.wikipedia.org/wiki/Tonne_of_oil_equivalent

https://en.wikipedia.org/wiki/Barrel_of_oil_equivalent

https://en.wikipedia.org/wiki/Conversion_of_units#Energy

NASA et catastrophes pétrolières :

http://earthobservatory.nasa.gov/Features/ShuttleRetrospective/page8.php

 

http://earthobservatory.nasa.gov/NaturalHazards/event.php?id=43733

Ulysse P - le 23/02/2017

Le satellite Sentinel 2 de l'ESA (Europe) a obtenu une image sur laquelle le niveau de détails permet de distinguer les différents réservoirs en feu, le 5 janvier 2016. Crédits image : ESA.
Le satellite Sentinel 2 de l'ESA (Europe) a obtenu une image sur laquelle le niveau de détails permet de distinguer les différents réservoirs en feu, le 5 janvier 2016. Crédits image : ESA.