S’envoler vers l’ailleurs… pour mieux revenir


Voyager, c’est déjà changer. Et ce n’est pas l’astronaute Philippe Perrin qui dira le contraire. Il raconte dans une interview donnée au Monde ses péripéties spatiales lorsqu’en 2002 il s’envole pour la première fois pour la Station Spatiale Internationale. Ce voyage l’a changé jusque dans son corps. Après quatorze jours en micropesenteur, sa colonne vertébrale s’est allongée, ses muscles ont fondu. Avec un lever de soleil toutes les quarante-cinq minutes, son horloge biologique a été mise à rude épreuve. Il a dû apprendre une autre façon de vivre, se déplacer, manger.

 

Malgré tous ces désagréments, Philippe ne regrette pas son voyage. Il lui a permis de prendre du recul sur le monde. Son monde, notre monde: «  Un sentiment d’exaltation incroyable : j’étais dans une position d’observateur unique au-dessus de la terre avec cette lumière fantastique, ce regard infini sur toute l’humanité (...). ». Il est difficile pour un voyageur de l’espace, après avoir été sur le toit du monde, d’atterrir et de se reconnecter à la réalité: « Pourquoi revenir quand on touche au sublime et que l’on sait que l’on ne connaîtra plus jamais quoi que ce soit d’équivalent ? ».

 

 

Terre vue de la Lune. Source : NASA.
Terre vue de la Lune. Source : NASA.

 

Il a finalement trouvé des raisons de redescendre sur Terre: « J’aurais pu retourner dans l’espace (...). Mais j’ai préféré quitter le monde spatial et redevenir anonyme. C’est ma richesse : avoir retrouvé ma place d’individu sur cette Terre. ». Trouver sa place sur cette Terre, qui nous nourrit et nous protège. Sur ce minuscule îlot perdu au milieu de l’immensité de l’espace et sans lequel nous n’existerions pas. Il l’a vu, ce petit îlot, il a vu la fine atmosphère qui l’entoure, il a vu ses limites: « depuis l’espace, il y a un saisissant effet de contraction des échelles, que l’on mesure avec ses tripes : la Terre apparaît comme une toute petite bille aux ressources limitées (...). À l’inverse, quand on reste sur Terre, il est difficile de ne pas céder à l’impression qu’elle est plate, donc infinie. Si l’humanité avait la chance de voyager dans l’espace, la prise de conscience environnementale serait immédiate : du jour au lendemain, nous vivrions et consommerions complètement différemment. ».

 

 

Fumées provenants de feux de puits de pétrole au Koweït. Source : NASA.
Fumées provenants de feux de puits de pétrole au Koweït. Source : NASA.

A travers cet exemple de voyage, certes extrême, Philippe nous apprend que l’ailleurs, l’autre, le différent, forge notre caractère, élargit notre esprit et surtout nous permet d’observer avec un œil neuf notre chez nous, nos habitudes, notre identité. « Au fond, comme tous les aventuriers, on va dans le désert, au bout du monde ou de ses limites pour se retrouver face à soi. Au retour, la question fondamentale se pose : Qu’est ce que j’ai bien pu trouver ? ». Prendre de la hauteur pour mieux comprendre. Elargir notre échelle du visible. Parce que c’est le nez dans le guidon que l’on a le plus de chances de se prendre le mur.

 

Sources:

Interview de Phillipe Perrin:

http://www.lemonde.fr/tant-de-temps/article/2017/02/17/philippe-perrin-une-fois-dans-l-espace-j-aurais-voulu-y-rester-a-jamais_5081033_4598196.html

 

 

 

Crédits image : NASA

Sonia