Vert Sahara

Il y a 5000 ans, le Sahara était vert. Vert et pluvieux. Une savane semblable au Kenya d’aujourd’hui. Le climat a quelque peu changé depuis, et c’est maintenant le plus grand désert du monde. Depuis presque vingt ans, en Egypte, à l’Ouest du Nil dans la région d’Oweinat, à quelques kilomètres de la frontière avec le Soudan, de nombreuses tâches vertes sont apparues. Sur une surface de 5000 kilomètres carrés, soit deux fois la surface du département du Rhône, s’étend un projet de récupération de terres arables. Le climat n’est pourtant pas clément. Plus d’évaporation que de précipitations, des vents arides qui soufflent en continue, une température passant de plus de 40°C en été à des valeurs négatives en hiver… Peut-être pas le meilleur endroit pour se lancer dans l’agriculture ?

 

Située à près de 300 kilomètres des lacs de Toshka et du lac Nasser, formés suite à la construction du barrage d’Assouan sur le Nil, cette région ne peut pas plus compter sur le pompage des eaux du grand fleuve que sur les précipitations. L’agriculture a pourtant commencé dès la fin des années 1990 sous l’impulsion du président Moubarak, voulant augmenter la surface des terres arables de son pays de 6% à 35%. Premier importateur de blé dans le monde, l’Egypte veut devenir autosuffisante. Le projet s’essouffle, puis renaît en 2014 lorsqu’il est repris par deux entreprises des Emirats Arabes Unis. Une production de près de 50 000 tonnes de blé par an, du maïs, des agrumes… Et un aéroport en périphérie pour transporter cette production (visible sur l'image !). Comment faire pousser une quelconque végétation dans ce milieu hyper-aride ?

 

Lorsque le Sahara était vert, l’eau s’est infiltrée dans la roche, en profondeur, et s’est accumulée dans ses pores et ses réseaux… Dans le grès et le calcaire qui composent le sous-sol du Sahara, une immense nappe phréatique s’est développée pendant plusieurs milliers d’années. Cet aquifère, le Bassin de Nubie, s’étend aujourd’hui sous l’Egypte, le Soudan, le Tchad et la Libye.

 

Les pois que vous voyez sur cette image satellite de la NASA mesurent environ 700 mètres de diamètre. En leur centre, un puits et un système de pompage qui permet une irrigation à pivot central pour chaque zone. Un immense territoire regagné sur le désert au prix du pompage intensif des eaux souterraines du Sahara. Et quel prix.

 

Le Bassin de Nubie est actuellement considéré comme une ressource non renouvelable. La vitesse de recharge de la nappe phréatique est inférieure à sa consommation. On parle de nappe ‘fossile’.

 

Selon les critiques, c’est un projet économiquement peu viable, un challenge technique sans fondement pour une terre produisant de mauvais rendements et un malheur écologique dans une région déjà soumise à un fort stress hydrique. Cette ressource non renouvelable est en effet partagée par plusieurs territoires… Des tensions sont à craindre concernant la gestion de cette eau. Mais la transformation rapide du paysage en surface, sur quelques vingt années, pourrait également avoir son importance pour l’évolution locale du climat et la capacité de rétention d’eau de la région…

 

Crédits image : NASA Earth Observatory – 26 Février 2017.

Pour en savoir plus :

https://earthobservatory.nasa.gov/IOTD/view.php?id=89820&eocn=home&eoci=iotd

https://earthobservatory.nasa.gov/IOTD/view.php?id=2237

http://www-naweb.iaea.org/napc/ih/documents/factsheetsPosters/Nubian%20-%20Transboundary%20Aquifers%20and%20Rivers%20Basins.pdf

https://www.researchgate.net/publication/233464676_Soil_and_Groundwater_Capability_of_East_Oweinat_Area_Western_Desert_Egypt_Using_GIS_Spatial_Modeling_Techniques

http://www.reuters.com/article/egypt-emirates-wheat-idUSL6N0TP1MA20141205

http://www.aldahra.com/en-us/business-divisions/human-food-division/grains/al-dahra-egypt

 

Ulysse P - le 16/03/2017