Tableau d'une efflorescence

Ou les vertus des blooms de microalgues

Cette semaine, pourquoi ne pas s’arrêter un instant, oublier la frénésie des préparatifs de fête, et admirer l’hypnotique danse d’un autre bloom de microalgues ? Cette efflorescence a été immortalisée lors d’un passage du satellite Landsat 8 de la NASA (et de son imageur OLI) au-dessus des îles Saint Paul et Saint George dans la mer de Béring, au large de l’Alaska.

Le mélange des couleurs bleue et verte, l’effet blanc laiteux, sont dus à la surabondance d’un type de  microalgues dans les eaux de surfaces qu’on appelle coccolithophores (littéralement « les porteurs de coccolites »). Ce sont des organismes unicellulaires qui flottent à la surface des eaux et sont soumis au bon vouloir des courants marins. Comme les plantes terrestres ou aquatiques, ces êtres vivants invisibles à l’œil nu consomment le dioxyde de carbone (CO2) dissous dans l’eau en utilisant l’énergie du soleil. Ils produisent ainsi la matière organique dont ils se nourrissent et de l’oxygène, un poison gênant pour eux qu’ils rejettent alors. Par cette réaction de photosynthèse, les coccolithophores sont donc les premiers maillons de la chaîne alimentaire, puisqu’ils transforment un gaz inorganique (le CO2) en matière organique, et représentent donc la structure de base de l’écosystème marin, de la crevette à la baleine à bleue, de la sardine au requin blanc.

 

Une autre de leur vertu : durant leur croissance, ils sécrètent des petites plaques faites de calcite (carbonate de calcium) qu’on nomme coccolites.  Ce carbonate n’est rien d’autre qu’une forme minéralisée, et solide, du CO2 dissous dans l’eau. Et alors me direz-vous ?

Je ne vous l’apprend plus, le CO2 est un gaz à effet de serre et semble être le grand responsable du changement climatique provoqué par l’être humain. Les coccolithophores ont des cycles de vie très rapides et meurent en masse presque aussi vite qu’ils apparaissent. Le CO2 piégé dans la matière organique de leurs cellules sera très rapidement consommé par la chaîne alimentaire et finalement se retrouvera tôt ou tard dans l’eau puis l’atmosphère ; il n’y a pas d’effet de piégeage de ce gaz à effet de serre par photosynthèse si les organismes sont consommés après leur mort. Le bilan de stockage de CO2 est ici nul. Par contre, une très grande proportion des plaques de calcite tomberont dans la colonne d’eau et formeront une boue calcaire qui, lentement, deviendra une roche. Cette roche sera un véritable réservoir de stockage de CO2. Plusieurs organismes calcifiants, qui forment des carbonates durant leur cycle de vie (comme les coraux par exemple), permettent de stocker naturellement une partie du CO2 contenu dans l’eau et dans l’atmosphère. Les coccolithophores sont responsables à eux seuls de près de la moitié de la production actuelle de carbonates marins (estimée 3,5 milliards de tonnes par an).

 

Chacun de ces magnifiques blooms, chaque danse de ces coccolithophores, est donc synonyme d’un léger soulagement pour notre planète.

 

Etonnants organismes n’est-ce pas ? Et vous voudriez en voir ? Je peux vous dire que vous en avez sûrement déjà tenu plusieurs millions dans vos mains. Car oui, j’ai oublié de vous donner le nom de la roche qu’ils produisent, qui forme parfois d’immenses falaises blanches faisant la renommée de certains littoraux : la craie.

 

Une échelle : Les deux îles font environ 15 kilomètres dans leur plus grande longueur.

 

Crédits image : NASA Earth Observatory – 22 Septembre 2014.

Pour en savoir plus :

http://earthobservatory.nasa.gov/IOTD/view.php?id=85043&src=ve

Ulysse P - le 22/12/2016