Plongée en Mer Rouge

Un pays où il fait toujours beau, des températures clémentes, une eau turquoise, transparente, toujours au-dessus de 20°C, des plages de sables fins et des récifs coralliens à la diversité inégalée qu’on pourrait toucher du bout des doigts… Le rêve que l’on vous vend dans toutes les agences de voyages ? Non. Bienvenue à Hurghada, en Egypte. Cette ville construite au bord de la Mer Rouge ne comptait que 12 000 habitants dans les années 1980. Et puis, sont arrivés les hôtels et autres complexes de loisirs et de vacances, et avec eux des touristes à foison. 2014. 250 000 habitants, plus d’un million de touristes par an, la ville de Hurghada est devenue une immense plage, une zone de fête et de loisirs où l’on vous promet qu’il fait bon vivre. Au moins le temps de quelques semaines…

 

Ces changements rapides sont visibles sur les images satellites de la NASA prises depuis 1985, par les différentes missions Landsat. Avec elles, les scientifiques ont pu suivre et étudier l’urbanisation croissante de la région, le développement de son aéroport (deuxième du pays), la gestion de son littoral et, avec tout cela, l’impact humain sur l’exceptionnel écosystème de mangroves, récifs coralliens, et autres tortues et mammifères marins de la Mer Rouge.

 

Les coraux sont un bon indicateur de la santé des écosystèmes marins récifaux. Ils sont généralement très sensibles aux perturbations du milieu qui peuvent entraîner très rapidement leur blanchiment ou leur disparition. Ce sont des microorganismes photosynthétiques, comme les algues, qui ont donc besoin de la lumière du soleil pour se développer. Ils vivent en communauté et précipitent des carbonates (aragonite) formant ces arborescences que vous connaissez sûrement. Etant en compétition avec les algues pour la même énergie (le soleil), leur survie est liée à la profondeur de la colonne d’eau, à l’ensoleillement, à la quantité de nutriments disponibles et à la présence d’herbivores qui mangeront les algues sur le récif.

 

Le développement de villes côtières s’accompagne généralement de dommages physiques directs et indirects sur les récifs. Directs car pour construire, il faut du sable, que l’on récupère souvent au fond de l’eau, quitte à détruire en partie les récifs au passage. Il faut également construire des ports et des voies d’eau suffisamment profondes pour faire passer les bateaux à fort tonnage. Il faut aussi faire venir les touristes au plus près des récifs, que de nombreuses personnes souhaitent toucher et souvent, non sensibilisés à la fragilité de ces coraux, piétinent. Certains également sont prêts à payer pour en ramener une branche, un morceau. A cela s’ajoutent les effets indirects de l’anthropisation de la côte, ceux-ci beaucoup plus délétères pour les récifs. Cette construction côtière rapide soulève beaucoup de sédiments et les eaux deviennent plus turbides (moins transparentes). De plus, les eaux usées, contenant d’énormes quantités de phosphore et autres nutriments, sont généralement rejetées directement dans l’eau. Enfin, l’accroissement de la population s’accompagne d’une surpêche qui fait diminuer le nombre de poissons herbivores sur le récif. Des eaux plus riches en nutriments, moins de lumière du soleil, et moins de poissons herbivores. C’est le début d’efflorescences de phytoplanctons, dont le développement, petit à petit, ralentit la croissance des récifs… Les algues remplacent les coraux qui blanchissent, puis disparaissent.

 

Dans les pires scénarii envisagés par les scientifiques, 50% des récifs coralliens mondiaux auront irrémédiablement disparus dans les 30 prochaines années, du fait du changement climatique et des pressions dues au développement côtier non maîtrisé. Le traitement d’images satellites permet aujourd’hui de cartographier et de suivre l’évolution des divers écosystèmes d’une manière beaucoup plus globale et sur de longues années, sans nécessiter d’études de terrains coûteuses,  sur de petites zones, et souvent impossibles à reconduire régulièrement (celles-ci restent malgré tout nécessaires car beaucoup plus précises !). Concernant les récifs coralliens de Hurghada, deux études d’images satellites, publiées en 2006 et en 2014, ont tiré la sonnette d’alarme. La pression anthropique sur la région a déjà causé la disparition de près de 50% de la population de coraux en l’espace de 30 ans.

 

Même d’un point de vue strictement économique, les récifs sont une ressource qu’il faut conserver. Les touristes se précipitent pour profiter des beautés de la nature mais le développement économique rapide de la région ne s’est pas accompagné d’une réflexion sur la protection de cet environnement qui, pourtant, a permis la croissance de la ville…

 

Crédits image : NASA Earth Observatory – 28 Janvier 1985 & 28 Novembre 2014.

Pour en savoir plus :

http://earthobservatory.nasa.gov/IOTD/view.php?id=85068

http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/01431161.2014.894656

http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/01431160500500342

 

Ulysse P - le 09/03/2017

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