Art minimaliste en Russie

Thomas Pesquet, a l’œil pour repérer les traces d’activités humaines, et pas uniquement quand il s’agit d’aéroports. En février de cette année, survolant dans la station spatiale internationale le sud de la Russie, il qualifie d’art minimaliste ces étranges lignes parallèles dessinées sur la neige.

 

Selon la NASA, il se trouvait au-dessus de la région de Volgograd, anciennement Stalingrad, sur les bords de la Volga, à 915 kilomètres au sud de Moscou. Cette région fertile est soumise à un climat humide continental. La pluie y tombe toute l’année, mais les grandes steppes connaissent des différences de température et d’humidité fortes. De -10°C en hiver, les mois d’été peuvent dépasser les 30°C et être beaucoup plus secs. Un vent constant rend le climat difficile pour les cultures, l’élevage et les populations vivants dans cette région. Celui-ci, par exemple, assèche les points d’eau et les plantations, ou encore soulève de la poussière qui abîme et érode, grain par grain, les cultures et les maisons. Le vent modifie également la température ressentie et augmente la pénibilité du climat pour les humains et les animaux d’élevages.

 

Depuis les années 1700, les fermiers ont commencé à planter des rangées d’arbres sur ces immenses plaines. En plus de pouvoir prodiguer de l’ombre aux élevages, ces haies permettaient de briser les vents dominants sur leurs propriétés.

 

De la même manière mais à une échelle bien plus grande que celle d’une simple ferme, ces grandes lignes sombres sont des haies brise-vent conçues lors du grand plan de Staline pour la transformation de la nature. Il s’agit d’un projet d’afforestation, c’est-à-dire de plantation d’arbres sur une terre qui ne possède pas de forêts étendues naturellement. Il a débuté à la fin des années 1940, en réponse aux famines qui terrassaient l’URSS. La phase la plus intensive du projet a permis la plantation de près de 21 000 kilomètres carrées de haies de 1949 à 1953. Le projet a continué jusqu’en 1965. En tout, 5 300 kilomètres de cette ceinture brise-vent a été construite pour faire obstacle aux vents dominants de la plaine. Elle est complétée à plus petite échelle par des haies moins imposantes entourant les champs et fermes en petits terrains rectangulaires.

 

Quel effet pour l’environnement ? Des études scientifiques ont été menées sur les sols formés depuis plus de 50 ans par l’afforestation de cette région et l’écosystème associé. Il en ressort que les haies brise-vent empêchent l’érosion des sols, limitent le soulèvement de la poussière, permettent de canaliser l’écoulement des eaux de pluies, protègent de la fraîcheur du vent et favorisent la rétention de matière organique dans le sol, assurant ainsi sa fertilité. C’est également un couloir pour la protection et la dissémination des animaux sauvages.

 

Un art minimaliste vu du ciel qui nous raconte une histoire de réappropriation de terres inhospitalières…

 

Une échelle ? La largeur des 3 bandes d’arbres brise-vents fait environ 800 mètres.

 

Crédits image : NASA Earth Observatory & Thomas Pesquet – 16 Février 2017.

Pour en savoir plus :

https://www.flickr.com/photos/thom_astro/33227278251/

https://earthobservatory.nasa.gov/IOTD/view.php?id=89817

http://www3.northern.edu/natsource/HABITATS/Windbr1.htm

http://www.mdpi.com/2071-1050/7/1/705/htm

http://www.fao.org/docrep/x5349e/x5349e00.gif

https://fr.wikipedia.org/wiki/Plan_de_Staline_pour_la_transformation_de_la_nature

https://fr.wikipedia.org/wiki/Afforestation

https://en.wikipedia.org/wiki/Volgograd

 

Un projet similaire mené dans les grands plaines des Etats-Unis pour faire face au Dust Bowl.

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Projet_Shelterbelt

 

Ulysse P - le 06/04/2017

En bonus, une carte d’archive montrant l’étendue du projet de Staline, avec quelques caractéristiques concernant les longueurs de la ceinture brise-vent, le nombre de lignes, et les haies à plus petites échelles.

Source : http://www.fao.org/docrep/x5349e/x5349e00.gif